Une méconnaissance de l’offre de transport dans les entreprises

 

Une interview
d’Arnaud FELIX

Directeur Performance et Mobilité Responsable

 

Arnaud FELIX - KISIO

Une interview Mobily-Cités – TTE Juillet 2022

Mobily-Cités : Quel est le rôle de Kisio aujourd’hui dans le cadre de la transition écologique ?

Arnaud FELIX : Aujourd’hui, Kisio accompagne les autorités organisatrices, les exploitants de transports et les entreprises sur différents volets. De la compréhension des comportements de mobilité à l’échelle d’un territoire, d’un réseau ou d’une entreprise jusqu’à l’élaboration de stratégie RSE en passant par le déploiement de dispositifs de management de la mobilité (accompagnement des changements des comportements). Toujours avec l’objectif de valoriser certains types de déplacements plus durables et/ou de proposer les solutions les plus adaptées.

Quel rôle peuvent jouer les employeurs dans cette transition écologique, notamment via les plans de mobilité ?

Mettre en place un plan de mobilité est obligatoire pour toute entreprise de plus de 50 salariés si elle n’a pas conclu un accord sur le Forfait mobilité durable. Sans cet accord, et peu d’entreprises en ont un, il faut a minima penser un plan de mobilité pour proposer des alternatives à l’autosolisme. Je mène beaucoup d’actions auprès des entreprises pour leur faire comprendre quels sont les leviers sur lesquels elles peuvent agir elles-mêmes et lesquels sont l’apanage de la collectivité. Dans certaines entreprises, les responsables pensent que du jour au lendemain, on peut mettre un arrêt de bus en bas devant leurs locaux. Alors que ça ne marche pas du tout comme ça, il faut un certain délai, quand c’est possible. Et en attendant, beaucoup d’initiatives peuvent être menées dans l’entreprise pour accompagner les salariés dans leurs choix de mobilité.

Quel genre d’initiatives ?

Pour moi, la première chose à considérer dans une entreprise, ce sont les usages en matière d’horaires de travail : sont-ils modifiables et le télétravail est-il possible ? Si ce n’est pas le cas, il est possible de lisser les horaires pour éviter que tout le monde arrive à la même heure et que tout le monde parte à la même heure, pour éviter les engorgements aux heures de pointe. Cette organisation un peu différente n’aura pas d’impact sur le fonctionnement de l’entreprise. On peut très bien commencer à télétravailler chez soi, venir à 11h, repartir à 15h et finir sa journée en télétravail. Il existe une grande diversité de modèles. Et les effets peuvent être importants sur la vie des travailleurs, des transporteurs et de la collectivité. Que l’on fasse son trajet à 8h30 ou 11h ne change rien. Notre rôle et celui des collectivités est de dire aux employeurs : « Attention sur le retour en arrière concernant le télétravail. Si on veut un meilleur service de transport, il faut conserver un mixte entre présentiel et distanciel. »

De nombreuses collectivités se mettent également au « management des mobilités », les entreprises peuvent-elles en faire de même ?

Oui, il faut faire un accompagnement quotidien auprès des salariés. Regarder avec eux quel type de mobilités convient le mieux à leurs besoins. Il y a une vraie méconnaissance de l’offre de transport dans les entreprises. On va donc proposer de coacher individuellement les salariés pour montrer qu’ils peuvent gagner du temps avec tel ou tel type de transport et qu’in fine, ils peuvent même gagner du confort de vie et de l’argent. Kisio a développé un outil baptisé « Les Experts mobilité » : à partir du fichier RH, il permet de géolocaliser l’offre de transport autour de chaque salarié et de personnaliser l’offre de mobilité. Il peut générer des enquêtes en matière d’usages pour faire converger des alternatives. Mais aussi de voir si les salariés sont prêts à changer et voir comment ça peut être encouragé. Cette démarche valorise également l’image de l’entreprise et son attractivité. Cette solution permet de digitaliser le maximum de choses pour se focaliser sur le coaching et les actions concrètes.

Quelles sont les conditions pour aller vers cette transition écologique ?

Cela demande la mobilisation de plusieurs acteurs. Pour réussir, et c’est la force de Kisio qui a une vision extrêmement large, il faut une relation tripartite efficace entre transporteur, collectivité et entreprises. Mais à la base, il faut des entreprises concernées, et surtout des collectivités engagées pour créer une vraie dynamique. Sans ça, les entreprises se sentent un peu seules. Kisio travaille également sur des centrales mobilités élargies avec une vision entreprise. Cela permet de poser les questions, par exemple avec l’arrivée des Zones à faibles émissions, de l’accompagnement des artisans, du verdissement des flottes, des nouvelles offres à tester. Quoiqu’il arrive, on pousse les transporteurs à prendre l’initiative. Le transporteur peut proposer des solutions aux entreprises, mais aussi pousser auprès de l’autorité organisatrice dont il est souvent le délégataire. La sensibilité aux impacts climatiques et les ZFE font bouger les choses. La croissance du vélo en est une illustration.