29 mars 2021 – 5 minutes de lecture
KISIO – Emilie Molino

Mobilités partagées dans les champs

 

Mobilités partagées dans les champs

 

Ma course SNCF : décryptage du service expérimental qui propose une alternative à la voiture individuelle

Ma Course SNCF, c’est une expérimentation de navettes partagées à la demande et avec chauffeur sur le territoire de Montval-sur-Loir, en Sarthe (à équidistance du Mans et de Tours) et de quatre communes autour de cette centralité (Lavernat, Luceau, Flée et Vaas). Il est la concrétisation d’un projet ouvert par SNCF I&R, dont les prémices remontent à 2019, accompagné à chaque étape par les équipes Etudes&Conseil de Kisio. Claire et Bérénice nous décryptent les enjeux et perspectives.

En quoi Ma course SNCF est différent d’un service de Transport à la Demande dynamique ?

Claire : La spécificité de Ma Course SNCF, c’est que ce service de mobilité s’organise autour d’un semainier : les trajets vers certains points d’intérêts ne sont donc rendus disponibles qu’aux moments qui présentent le plus d’opportunités en matière de groupage. Par exemple : accès à la gare en début et fin de journée, aux infrastructures sportives et de loisirs à la sortie de l’école et les mercredis après-midi, livraison de courses le vendredi matin, autopartage en soirée…

Il est le fruit d’une vraie démarche d’idéation, à partir d’analyses de données et d’enquêtes sur le terrain. Nous sommes allés à la rencontre des habitants, des commerçants, des élus pour définir et prioriser des concepts d’expérimentation.

Bérénice : L’offre retenue et proposée se situe ainsi entre un TAD dynamique et une ligne de bus, c’est à dire que la solution proposée est partiellement contrainte spatialement et temporellement. Spatialement par des adresses prédéfinies et génératrices de flux, des points d’intérêts, qu’il faut renseigner soit en origine, soit en destination pour bénéficier de l’offre thématique. Et temporellement car ces offres conçues sont disponibles sur des créneaux identifiés.

Cette expérimentation constitue une vraie avancée pour la mobilité en zone peu dense, car elle vient apporter de la flexibilité et de l’instantanéité là où aujourd’hui l’accès à la mobilité est mis à mal, et où la couverture d’un territoire est très vite confrontée à des freins budgétaires conséquents.

L’accès au service se fait depuis une application reposant sur la solution de groupage de Via, éprouvée dans de nombreux territoires… mais d’aucun semblable à la Sarthe…

Claire : C’est effectivement la première fois que la technologie VIA (développeur d’une solution TAD et partenaire de Kisio) est testée sur un territoire moins dense, d’une superficie d’environ 100km².

Il était donc clé de tester la performance de l’algorithme de groupage sur des territoires différents de l’urbain ou du périurbain ! La perception du temps et de la distance est différente en zone moins dense, et la qualité des routes n’est pas la même non plus… certaines routes relèvent plus du chemin de tracteur !

Les paramétrages de l’outil ont donc été adaptés de sorte à garder une offre cohérente et attractive pour les voyageurs (et éviter les chemins de terre !). Dans tous les cas, le groupage des passagers est prioritaire, y compris sur le profit.

Bérénice : Par ailleurs, déployer un nouveau service numérique en zone rurale, implique également d’adapter la communication pour assurer la bonne prise en main du service par tous. Nous avons ainsi organisé un réseau d’ambassadeurs avec les commerçants du territoire, mais aussi des ateliers pédagogiques.

Et tout cela nous le faisons savoir… par la page facebook de la mairie, qui s’avère être le portail le plus consulté par les habitants.

 

Pour rendre la mobilité de demain plus inclusive et sur-mesure, quelle est selon vous la clé ?

Claire : La mobilité sur les territoires doit se concevoir aujourd’hui de manière décloisonnée et sur mesure. Il s’agit de proposer une offre de transport partagé qui réponde aux rythmes du territoire d’implantation en se focalisant notamment sur les principaux pôles générateurs de flux du territoire.

Pour cela, le point de départ, c’est avant tout le voyageur. Nous avons comme conviction forte que les projets « pensés voyageurs » sont ceux qui ont le plus de chances de répondre aux enjeux de mobilité d’un territoire, c’est d’ailleurs la démarche qui guide chacun de nos accompagnements.

Nous adoptons pour cela une approche systémique dans nos accompagnements de conception de services à la mobilité. Concrètement ici, nous avons fait appel à plusieurs pôles d’expertises tout au long du projet :

·         Nos experts en innovations et design sur la définition des cahiers de concepts à tester dans le cadre du pilote Ma Course SNCF et la mise en place du protocole d’évaluation de l’expérimentation

·         Nos experts Nouvelles Mobilités afin de veiller à la faisabilité de ce projet d’offre inédit au regard des contraintes d’exploitation terrain et des possibilités de l’outil retenu pour le pilote.

L’innovation est présente dès la genèse de ce projet, du territoire choisi en passant par le design d’offre et la technologie utilisée. Pour autant, l’approche expérimentale ne s’est pas arrêtée au lancement : elle sera suivie sur les 12 mois que dure ce pilote grâce au protocole d’expérimentation. Comment va se dérouler l’année d’expérimentation ?

Bérénice : Lors de la définition du service, plus d’une centaine d’hypothèses à tester dans le cadre de ce projet ont été générées par toutes les parties prenantes (SNCF I&R, les acteurs locaux, Via et Kisio Etudes et Conseil). Ces hypothèses ont été classées, regroupées et sélectionnées pour aboutir à une liste de 18 hypothèses à valider ou invalider sur différentes temporalités du projet. Il s’agira par exemple de vérifier l’ancrage de l’offre sur le territoire, l’âge des utilisateurs du service ou encore les canaux de réservation utilisés… autant d’hypothèses qui nous permettront de tester l’adéquation du service proposé sur un territoire en particulier.

Le protocole d’évaluation s’appuiera sur des données collectées quantitativement, en analysant des indicateurs de performance mis au point avec notre partenaire Via et qualitativement par le biais d’entretiens ou de tests menés avec les conducteurs, les voyageurs ou tout autre partie-prenante.

Porter un tel protocole d’évaluation sur la durée de l’expérimentation présente 1 vertu principale :  dérisquer le projet rapidement en ajustant le tir en cours de route si nécessaire : l’offre sera en mesure d’évoluer en fonction des constats observés, par exemple en adaptant la tarification proposée ou encore créant de nouvelles offres ciblées et correspondant à des besoins non-détectés au cours de la phase préparatoire.

Le but est d’adopter un cadre de travail souple dans lequel les hypothèses validées ou invalidées nous serviront à générer de nouvelles pistes à vérifier pour tirer un maximum d’enseignements sur la période. Ces enseignements seront notamment recueillis dans un cahier technique en vue d’une généralisation sur des territoires comparables et enrichiront notre connaissance des espaces peu denses.

Bérénice Flauw // Claire Wojcik

Pour en savoir plus sur l’accompagnement de Kisio :

Les équipes Etudes&Conseil de Kisio sont intervenues du diagnostic des mobilités à la conception d’offre, en passant par la mise en place du socle d’exploitation, l’interface avec l’éditeur VIA, l’appui juridique, et en dernier lieu l’accompagnement terrain des équipes amenées à opérer le service jusqu’au printemps 2022.

En parallèle, elles ont accompagné la construction d’un protocole d’évaluation de l’expérimentation, qui permettra de jauger l’adéquation de l’offre avec les besoins du territoire.

Aujourd’hui Bérénice Flauw assure sur le suivi du pilote sur toute sa durée afin de faire le lien entre l’évaluation du projet et son efficience sur le terrain. 


Cet article pourrait également vous intéresser : Le social media, un outil essentiel à l’adoption du co-voiturage