Les projets de Transport à la Demande (TAD) dynamique se déploient progressivement dans le monde et dans l’hexagone.
Parfois assimilés au « VTC du Transport Public », ils promettent une meilleure expérience client et une gestion plus performante des services.
Nouveau service ou remplacement de TAD existant, leur déploiement implique l’émergence d’un nouveau métier : superviseur TAD
Clément Bernier, Chef de produit TAD, revient avec nous sur cette évolution.
Clément, peux tu nous rappeler le fonctionnement des services de TAD « classique » ?
Jusqu’à récemment, les services de Transport à la Demande se matérialisaient pour les voyageurs par une centrale de réservation téléphonique. Ces dernières années, des modules de réservation online et/ou mobile (site ou application) ont également été développés afin de permettre au voyageur de faire une réservation en toute autonomie.
Dans les deux cas, les réservations se faisaient au plus tard la veille. Le service du lendemain était alors figé, les feuilles de route transmises à l’opérateur pour remise au conducteur le matin du jour J.
Le conducteur était indépendant dans la réalisation de ses courses. Sauf imprévu ou aléas majeur il n’avait pas d’interaction avec la centrale de réservation.
Avec le TAD dynamique, on se représente une app permettant la réservation jusqu’à la dernière minute, et qui gère tout toute seule. Est-ce le cas ?
Quelle que soit la solution technologique retenue (PADAM Mobility ou Via par exemple), il y a effectivement une app qui permet au voyageur de faire sa réservation et une intelligence (des algorithmes) qui permettent en temps réel d’affecter une demande à un véhicule.
Cependant, tout le monde n’ayant pas nécessairement un smartphone , la centrale de réservation reste nécessaire. Mais au-delà de cela, une nouvelle activité humaine s’impose : la gestion opérationnelle en temps réel. Les déploiements pointent tous la nécessité d’un superviseur, plus proche du métier de l’exploitation et en contact avec les conducteurs. En phase de lancement, il permet d’accompagner les conducteurs dans la prise en main de l’outil mais aussi dans « l’éducation » des algorithmes : en fonction de l’heure, en fonction des conditions de circulation….les itinéraires théoriques ne sont pas toujours les meilleurs ! Enfin en fonctionnement nominal, le superviseur a un rôle clé en cas d’aléas ou retard. Il peut être alors amené à prendre en charge directement les réaffectations de courses sur d’autres véhicules, appeler les voyageurs pour les rassurer ou reprogrammer etc.
Ce superviseur TAD Dynamique est en fait au cœur du système !
Oui, il est le contact privilégié de l’exploitant, des conducteurs et de la centrale de réservation. En cas d’aléas il est en relation directe avec les clients voyageurs. C’est un nouveau rôle à la frontière de l’exploitation et de la relation client. Il est incontournable de maîtriser l’exploitation, mais il est au moins aussi important de savoir communiquer avec les voyageurs…qui seront les premiers à laisser un avis public sur l’app !
Bien qu’existant depuis les années 1970, le TAD est revenu sur le devant de la scène sous l’étiquette « Nouvelle Mobilité ». Cela s’explique par le rapport du TAD à l’innovation, à la fois sur le plan technologique, avec le développement des outils digitaux et d’algorithmes de plus en plus performants, mais aussi dans la conception des offres, et leur communication. Côté opérationnel, les organisations et les métiers sont aussi impactés par ces évolutions.
En réalité, il n’existe pas « un » mais « des » TAD, qui doivent s’adapter aux besoins et aux contextes locaux pour répondre aux grands défis des territoires. C’est d’ailleurs dans une volonté de complémentarité entre des zones peu denses ou rurales et urbaines que s’inscrit la promulgation de la LOM (Loi d’Orientation des Mobilités), qui ouvre de nombreuses perspectives pour les TAD.
Pour Kisio, les Nouvelles Mobilités sont donc bien un ensemble de nouveaux systèmes de mobilité et de services innovants : de nouveaux modes, outils, usages des moyens préexistants et de nouveaux enjeux. Notre expérience de plus de 20 projets de mobilités innovantes nous prouve que la conception et mise en œuvre de ces nouveaux services présentent des défis importants pour les territoires et transporteurs.
Un service de transport à la demande s’adapte à chaque fois aux spécificités d’un territoire, mais la démarche d’analyse et de déploiement est réplicable à l’infini. Cela implique beaucoup de pédagogie, et une nouvelle façon de faire travailler ensemble pouvoirs publics et équipes opérationnelles pour être en capacité d’adapter le service en continu.
Il s’agit de créer une culture TAD nouvelle génération, en proposant des solutions aux collectivités et aux opérateurs facilement compréhensibles. Pendant tout le XXe siècle, nous avons pris l’habitude de lire des fiches horaires et des plans de bus réguliers, ce qui ne va pourtant pas de soi ! C’est une construction qui convient à ce mode et qui a dominé pendant des décennies. Aujourd’hui il faut élargir ce modèle pour l’adapter aux nouveaux modes : le TAD flexible est complexe tant on essaie de le lire avec les codes du bus régulier.
On observe que la création d’un modèle public de transport à la demande flexible est un enjeu social de désenclavement et de mobilité inclusive qui concerne tous les territoires. Dans les espaces périurbains et ruraux, il faut pouvoir proposer des services à la fois à ceux qui dépendent de leur voiture pour se déplacer, et à ceux qui dépendent de la voiture des autres et de la solidarité. En milieu urbain, les transports à la demande de personnes à mobilité réduite, ou de celles et ceux travaillant à horaires décalés sont des problématiques à part entière. Des besoins sociaux et des évolutions technologiques et comportementales se rencontrent, que nous essayons de traduire pas de nouvelles offres de transports à la demande adaptées.
D’un point de vue technique, cela nécessite des ajustements selon le contexte : un calcul d’itinéraire en milieu dense n’implique pas la prise en compte des mêmes contraintes qu’en zone peu dense. Pour l’anecdote, il faut savoir par exemple faire reconnaître à l’algorithme les routes carrossables des chemins d’exploitation agricoles…
D’un point de vue humain, cela nécessite de toujours anticiper l’accompagnement au changement à destination des habitants et des équipes opérationnelles. Il faut pouvoir expliquer les changements, et parfois modifier la perception de services plus anciens. Une amélioration de l’expérience usager peut d’abord être reçue négativement par la population, par exemple la possibilité de réserver un voyage jusqu’à 30 minutes avant. Ce quasi temps réel peut perturber des personnes habituées à avoir l’horaire exact de leur navette jusqu’à une semaine en avance. Il ne faut rien forcer, et faire preuve de pédagogie sur le long terme.
Pour nous la clef de projets TAD réussis, c’est de toujours les analyser en relation avec leurs écosystèmes de mobilités respectifs. Chaque diagnostic que nous réalisons définit la stratégie de déploiement du service, selon l’offre de transports en place ou non, et l’observation des besoins de la population.
Nous avons ainsi développé une démarche et des outils pour accompagner les projets de bout en bout : de la définition de la stratégie de mobilité pour le compte des territoires, en passant par le design de service pour des acteurs publics ou privés, jusqu’au déploiement opérationnel de ces services. Cela implique des méthodologies d’accompagnement au changement, aussi bien pour les décideurs publics que les équipes opérationnelles et les habitants.
Comme vous l’avez dit plus tôt, nous avons déjà accompagné des territoires très différents dans la définition de leurs services TAD et de leur stratégie nouvelles mobilités. Nous avons récemment travaillé au diagnostic et déploiement de solutions TAD sur plusieurs territoires peu denses qui devraient sortir prochainement. Affaire à suivre !
Ils sont de plus en plus nombreux à abandonner les transports en commun pour la marche, comme Fabienne, ou la voiture au profit du vélo, à l’instar de Mickaël.
Eric Chareyron, Directeur de la prospective Keolis et David O’Neill, Directeur Etudes&Conseil Kisio reviennent sur leur propre expérience de piéton et cycliste. Une mise en perspective personnelle des enjeux qui se posent au secteur du transport public.
David : C’est facile, mon dernier trajet à vélo, ce n’était pas plus tard que tout à l’heure, pour me rendre à un RDV professionnel. Mon vélo est resté là-bas et je suis venu à pieds jusqu’à ce café pour faire cette interview.
Eric : Aie, aie, aie ! Ma dernière expérience à vélo date d’il y a au moins 10 ans. Je me souviens même avoir dû me faire aider pour le déverrouiller. Pour tout vous dire, je suis beaucoup plus à l’aise avec la marche que je combine avec les transports en commun.
Eric : A mon sens, il y en a deux qui sont communes aux piétons et aux vélistes.
La première est la protection contre les intempéries, que ce soit la pluie ou la chaleur ; dans tous les cas, c’est vraiment l’horreur !
La seconde est liée à la difficile cohabitation avec les autres modes et les comportements inciviques que cela génère. Pour ma part, très franchement, en tant que piéton, je préfère largement les voitures aux cyclistes car les voitures s’arrêtent aux feux rouges ce qui est beaucoup moins le cas des cyclistes !
Pour finir, ce qui est vraiment pénible pour les piétons c’est l’étroitesse générale des trottoirs : entre les poubelles, les personnes âgées et les poussettes, il n’est pas toujours simple de se faufiler.
David : Pour moi, le plus gros souci du vélo c’est que c’est un objet de convoitise. Et pour preuve, pas plus tard que la semaine dernière, on a tenté de me voler mon vélo alors même que j’étais dessus !
Je constate aussi que la ville ne s’est pas adaptée au rythme des vélos… Regardez combien de cyclistes brûlent les feux, souvent par principe de précaution, pour éviter de redémarrer en même temps que les voitures.
David : Un jour, j’ai fait dérailler mon vélo, malheur pour moi qui ne suis pas vraiment bricoleur ! Une dame s’est approchée de moi et m’a spontanément proposé de l’aide. En un rien de temps, elle a remis le dérailleur et a repris son chemin. Cela m’a vraiment marqué !
Eric : Je n’en ai pas un en particulier. A pieds, je fais sans cesse de nouvelles découvertes : un détail d’un monument, une galerie d’art, la vitrine d’un libraire. C’est infini !
En revanche, ce qui continue de me frapper, en tant que piéton, ce sont tous les sourires et tous les bonjours que l’on échange. Il y a une vraie culture du « croisement de regard » chez les personnes qui marchent ! Et franchement, cela me met de bonne humeur !
David : Tout au long de l’année dernière, en emmenant mon enfant le matin, je croisais un autre père. Un jour on s’est mis à se sourire puis on a fini par se dire bonjour… C’était comme un rituel !
David : A Paris, je circule tout le temps à vélo alors que dans les autres villes, je marche. J’ai commencé par un vélo classique puis j’ai changé pour un vélo électrique pendant 6/9 mois. Je suis finalement revenu au vélo classique « pour la dose d’effort » en plus qu’il nécessite.
Eric : Hélas, je ne marche pas autant que j’aimerais ! Je vis à la campagne et le premier trottoir est à 1,5 km de chez moi. La route est étroite avec beaucoup de passage ; j’utilise donc ma voiture par obligation.
Mis à part cela, je marche autant que je peux car la marche est beaucoup plus rapide que ce que l’on imagine sans compter qu’elle contribue à désaturer les transports en commun. Un mix marche / transports en commun, voilà qui me semble être une bonne solution !
David : C’était contre une voiture qui m’avait refusé la priorité… J’étais très énervé mais je me suis vite rendu compte que l’autre était beaucoup plus massif que moi, j’ai donc poursuivi mon chemin…
Ceci-dit, je dois aussi reconnaître que les rapports sont souvent hostiles entre vélistes.
Eric : Alors moi, je peux vous dire qu’en tant que piéton, je râle souvent contre les vélos, particulièrement lorsqu’ils ne respectent pas les feux.
Je peste également régulièrement sur le fait qu’il n’y ait pas un seul banc sur mon trajet Montparnasse / St Germain des prés… et franchement ce n’est pas un problème de largeur de trottoir pour le coup !
David : on constate une forte augmentation de la pratique urbaine du vélo ce qui tend à faire évoluer l’équilibre des différentes parts modales, ce qui est à mon sens, très bien.
Je trouve d’ailleurs le modèle lyonnais intéressant car le vélo gagne de la part modale sur la voiture, pas sur les transports en commun. C’est tout l’intérêt !
Eric : En effet, certains mouvements amorcés avant la crise se sont amplifiés. Le vélo est devenu une bulle protectrice à l’instar de la voiture au contraire des transports en commun.
La marche a cela de spécifique qu’elle est universelle. Globalement, tout le monde peut marcher et en plus c’est recommandé. Sans oublier, que la marche ne génère aucune peur, contrairement au vélo.
Si, les deux sont dans l’ère du temps et répondent à des considérations écologiques, la marche permet de répondre à une aspiration de plus en plus prégnante : celle de se reconnecter à soi-même, de décélérer, d’aller à son rythme et de se reconnecter à son environnement.
Pour moi, le plus gros enjeu est de faire cohabiter tous les modes. Il ne doit pas y avoir un plan vélo, un plan marche, un plan voiture… mais un plan global. Il faut penser l’ensemble.
David : Et chose importante, il faut penser la mobilité au-delà du cœur des métropoles.
Le vélotaf consiste à aller et revenir du travail en vélo. Cela représente 2 à 3% des trajets domicile-travail en France (contre 55% à Copenhague !) ; avec de fortes disparités territoriales. Strasbourg, Bordeaux, Nantes, La Rochelle par exemple dépassent les 7% ; alors que Saint-Etienne peine à atteindre le premier %.
La part modale du vélo est naturellement plus élevée en ville. Nombreuses sont celles qui ont développé des infrastructures adaptées : les voies vélo, mais aussi les zones de circulation limitées à 30km/h.
Les zones périurbaines, dans lesquelles on retrouve beaucoup d’entreprises, ont un fort potentiel de développement du vélotaf – collectivités et entreprises peuvent faire changer cela.
Plein de choses peuvent être faites et articulées dès lors qu’une entreprise en a envie. Dans le cadre d’un PDM (plan de mobilité), l’idéal est de s’appuyer sur l’étude des mobilités des collaborateurs. Qui habite à moins de 10 km ? Quelles sont les contraintes et opportunités sur ce cercle ?
Vis-à-vis des collaborateurs, l’entreprise peut par exemple mettre en place :
– Une flotte de vélos de services partagée pour les déplacements professionnels en journée ou pour un déplacement travail/domicile ponctuel, comme Cyckleo ou fredo
– La dotation de vélos de fonction
– Le soutien financier à l’achat d’un vélo, aux abonnements de vélo libre-service ou de location de vélo longue durée comme Veligo
– Un parking vélo sécurisé et matériel de réparation
Mais au-delà de ces dispositifs, je crois beaucoup en l’organisation d’événements autour du vélo et la création de communauté de vélotafeurs.ses : sortie collective de remise en selle, atelier prévention des risques, atelier réparation, …
Pour aller plus loin, l’entreprise peut aussi se rapprocher de sa collectivité territoriale pour participer aux schémas d’aménagement et faire valoir ses revendications et propositions.
La palme de l’initiative, je la remets à l’opération vélodacieuse, menée par l’association Femmes en mouvement. L’idée était d’amener les candidats aux élections municipales à réaliser un trajet vélo pour expliquer les ressentis en tant que femmes d’âges variés dans l’espace public. Les femmes restent moins utilisatrices du vélo que les hommes, il y a un grand axe de progression.
La palme de la start-up, je la remets à Pony ! La start-up propose de devenir propriétaire d’un vélo ou d’une trottinette en libre-service. L’objectif : mettre fin aux problèmes de vandalisme constatés dans les grandes villes… tout en remplissant le portefeuille des propriétaires.
Le Swimtaf peut-être pas, mais le Canotaf, oui ! Beaucoup de villes disposent d’un cours d’eau exploitable. Canoë ou Paddle pourraient alors se développer dans le contexte actuel !
Historiquement, les abris-vélos sécurisés étaient une réponse des gares pour permettre aux voyageurs cyclistes de laisser leur vélo avant de sauter dans le train. Des vélos de plus en plus chers qu’il fallait protéger. Deux nouveautés à noter : les accès aux abris-vélos vont devenir gratuits pour tout abonné annuel du transport public en Ile-De-France, comme c’est déjà le cas dans la plupart des régions opérées par Kisio. Et ces espaces vont se développer à la place des zones de stationnement voiture pour pallier le manque de locaux adaptés dans les immeubles. Le double effet vague verte municipale et Covid ayant fait exploser le nombre de cyclistes et aspirants cyclistes.
Outre la SNCF pour les gares, les demandes pour les collectivités locales se développent, de la mairie de petites villes à des regroupements de communes, il n’y a pas de modèle figé. L’Ile-de-France a ainsi annoncé vouloir disposer de 100 000 places sécurisées d’ici 2030 (contre 10 000 actuellement) ! C’est une offre qui vient naturellement compléter l’offre de services aux cyclistes : vélos en libre service pour les cyclistes occasionnels ou ayant des destinations et fréquences changeantes ; location longue durée pour équiper les cyclistes hésitants ; sécurisation des voies vélos…
Après une étude des flux de mobilité, la ville choisit les emplacements et son modèle d’abri. Le choix va être principalement esthétique (bois ou métal ajouré). Il y a 3 grands fabricants d’abris en France (Cykleo, Altinnova, Abris plus) avec plusieurs fonctionnements différents : abri individuel avec clé physique ou cadenas personnel, « huche » partagée (le modèle 6 places en pied d’immeuble à Paris) avec ouverture par une application et connexion Bluetooth, etc. *Pour ceux que nous exploitons, une porte équipée d’un lecteur de carte sans contact (en général une carte billettique) permet d’accéder à l’abri.
Nous intervenons quasiment de bout en bout ! Les consultants Kisio peuvent se charger de l’étude des flux. Avec mon équipe, partout en France, dès que le modèle d’abris est choisi, nous nous occupons de l’installation du contrôle d’accès, de son exploitation et de sa maintenance. La bonne gestion dans la durée est clé : au moindre sentiment d’insécurité, les cyclistes ne reviendraient plus ! Nos collègues experts de la relation clients voyageurs gèrent les abonnements et l’information.
De par les volumes, Paris sera évidemment en tête. Mais c’est à Marseille que va être mis en service le premier abri -vélo autonome énergétiquement : son toit accueillera un panneau solaire. Et je ne doute pas qu’il y ait prochainement des abris végétalisés !
Interview Elodie Bervas, Manager Infogérance & Exploitation Nouvelles Mobilités