17 novembre 2020 – 3 minutes de lecture
KISIO – Emilie Molino

Changer de regard sur le TAD

 

Changer de regard sur le TAD

 

 

Interview de Charlotte BERTHIER, Doriane RALY et Claire WOJCIK

Il semblerait que le transport public à la demande (TAD) ait le vent en poupe ?

Bien qu’existant depuis les années 1970, le TAD est revenu sur le devant de la scène sous l’étiquette « Nouvelle Mobilité ». Cela s’explique par le rapport du TAD à l’innovation, à la fois sur le plan technologique, avec le développement des outils digitaux et d’algorithmes de plus en plus performants, mais aussi dans la conception des offres, et leur communication. Côté opérationnel, les organisations et les métiers sont aussi impactés par ces évolutions.

En réalité, il n’existe pas « un » mais « des » TAD, qui doivent s’adapter aux besoins et aux contextes locaux pour répondre aux grands défis des territoires. C’est d’ailleurs dans une volonté de complémentarité entre des zones peu denses ou rurales et urbaines que s’inscrit la promulgation de la LOM (Loi d’Orientation des Mobilités), qui ouvre de nombreuses perspectives pour les TAD.

Pour Kisio, les Nouvelles Mobilités sont donc bien un ensemble de nouveaux systèmes de mobilité et de services innovants : de nouveaux modes, outils, usages des moyens préexistants et de nouveaux enjeux. Notre expérience de plus de 20 projets de mobilités innovantes nous prouve que la conception et mise en œuvre de ces nouveaux services présentent des défis importants pour les territoires et transporteurs.

S’il n’y a pas un mais des TAD, ce modèle public de transport à la demande doit-il être réinventé à chaque fois ?

Un service de transport à la demande s’adapte à chaque fois aux spécificités d’un territoire, mais la démarche d’analyse et de déploiement est réplicable à l’infini. Cela implique beaucoup de pédagogie, et une nouvelle façon de faire travailler ensemble pouvoirs publics et équipes opérationnelles pour être en capacité d’adapter le service en continu.

Il s’agit de créer une culture TAD nouvelle génération, en proposant des solutions aux collectivités et aux opérateurs facilement compréhensibles. Pendant tout le XXe siècle, nous avons pris l’habitude de lire des fiches horaires et des plans de bus réguliers, ce qui ne va pourtant pas de soi ! C’est une construction qui convient à ce mode et qui a dominé pendant des décennies. Aujourd’hui il faut élargir ce modèle pour l’adapter aux nouveaux modes : le TAD flexible est complexe tant on essaie de le lire avec les codes du bus régulier.

Vous avez accompagné des projets TAD dans différents types de territoire. Y a-t-il des similarités d’approche entre les TAD urbains, périurbains ou ruraux ?

On observe que la création d’un modèle public de transport à la demande flexible est un enjeu social de désenclavement et de mobilité inclusive qui concerne tous les territoires. Dans les espaces périurbains et ruraux, il faut pouvoir proposer des services à la fois à ceux qui dépendent de leur voiture pour se déplacer, et à ceux qui dépendent de la voiture des autres et de la solidarité. En milieu urbain, les transports à la demande de personnes à mobilité réduite, ou de celles et ceux travaillant à horaires décalés sont des problématiques à part entière. Des besoins sociaux et des évolutions technologiques et comportementales se rencontrent, que nous essayons de traduire pas de nouvelles offres de transports à la demande adaptées.

D’un point de vue technique, cela nécessite des ajustements selon le contexte : un calcul d’itinéraire en milieu dense n’implique pas la prise en compte des mêmes contraintes qu’en zone peu dense. Pour l’anecdote, il faut savoir par exemple faire reconnaître à l’algorithme les routes carrossables des chemins d’exploitation agricoles…

D’un point de vue humain, cela nécessite de toujours anticiper l’accompagnement au changement à destination des habitants et des équipes opérationnelles. Il faut pouvoir expliquer les changements, et parfois modifier la perception de services plus anciens. Une amélioration de l’expérience usager peut d’abord être reçue négativement par la population, par exemple la possibilité de réserver un voyage jusqu’à 30 minutes avant. Ce quasi temps réel peut perturber des personnes habituées à avoir l’horaire exact de leur navette jusqu’à une semaine en avance. Il ne faut rien forcer, et faire preuve de pédagogie sur le long terme.

D’après vous, quelle est la clé d’un projet TAD réussi ?

Pour nous la clef de projets TAD réussis, c’est de toujours les analyser en relation avec leurs écosystèmes de mobilités respectifs. Chaque diagnostic que nous réalisons définit la stratégie de déploiement du service, selon l’offre de transports en place ou non, et l’observation des besoins de la population.

Nous avons ainsi développé une démarche et des outils pour accompagner les projets de bout en bout : de la définition de la stratégie de mobilité pour le compte des territoires, en passant par le design de service pour des acteurs publics ou privés, jusqu’au déploiement opérationnel de ces services. Cela implique des méthodologies d’accompagnement au changement, aussi bien pour les décideurs publics que les équipes opérationnelles et les habitants.

Comme vous l’avez dit plus tôt, nous avons déjà accompagné des territoires très différents dans la définition de leurs services TAD et de leur stratégie nouvelles mobilités. Nous avons récemment travaillé au diagnostic et déploiement de solutions TAD sur plusieurs territoires peu denses qui devraient sortir prochainement. Affaire à suivre !

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