Ils sont de plus en plus nombreux à abandonner les transports en commun pour la marche, comme Fabienne, ou la voiture au profit du vélo, à l’instar de Mickaël.
Eric Chareyron, Directeur de la prospective Keolis et David O’Neill, Directeur Etudes&Conseil Kisio reviennent sur leur propre expérience de piéton et cycliste. Une mise en perspective personnelle des enjeux qui se posent au secteur du transport public.
David : C’est facile, mon dernier trajet à vélo, ce n’était pas plus tard que tout à l’heure, pour me rendre à un RDV professionnel. Mon vélo est resté là-bas et je suis venu à pieds jusqu’à ce café pour faire cette interview.
Eric : Aie, aie, aie ! Ma dernière expérience à vélo date d’il y a au moins 10 ans. Je me souviens même avoir dû me faire aider pour le déverrouiller. Pour tout vous dire, je suis beaucoup plus à l’aise avec la marche que je combine avec les transports en commun.
Eric : A mon sens, il y en a deux qui sont communes aux piétons et aux vélistes.
La première est la protection contre les intempéries, que ce soit la pluie ou la chaleur ; dans tous les cas, c’est vraiment l’horreur !
La seconde est liée à la difficile cohabitation avec les autres modes et les comportements inciviques que cela génère. Pour ma part, très franchement, en tant que piéton, je préfère largement les voitures aux cyclistes car les voitures s’arrêtent aux feux rouges ce qui est beaucoup moins le cas des cyclistes !
Pour finir, ce qui est vraiment pénible pour les piétons c’est l’étroitesse générale des trottoirs : entre les poubelles, les personnes âgées et les poussettes, il n’est pas toujours simple de se faufiler.
David : Pour moi, le plus gros souci du vélo c’est que c’est un objet de convoitise. Et pour preuve, pas plus tard que la semaine dernière, on a tenté de me voler mon vélo alors même que j’étais dessus !
Je constate aussi que la ville ne s’est pas adaptée au rythme des vélos… Regardez combien de cyclistes brûlent les feux, souvent par principe de précaution, pour éviter de redémarrer en même temps que les voitures.
David : Un jour, j’ai fait dérailler mon vélo, malheur pour moi qui ne suis pas vraiment bricoleur ! Une dame s’est approchée de moi et m’a spontanément proposé de l’aide. En un rien de temps, elle a remis le dérailleur et a repris son chemin. Cela m’a vraiment marqué !
Eric : Je n’en ai pas un en particulier. A pieds, je fais sans cesse de nouvelles découvertes : un détail d’un monument, une galerie d’art, la vitrine d’un libraire. C’est infini !
En revanche, ce qui continue de me frapper, en tant que piéton, ce sont tous les sourires et tous les bonjours que l’on échange. Il y a une vraie culture du « croisement de regard » chez les personnes qui marchent ! Et franchement, cela me met de bonne humeur !
David : Tout au long de l’année dernière, en emmenant mon enfant le matin, je croisais un autre père. Un jour on s’est mis à se sourire puis on a fini par se dire bonjour… C’était comme un rituel !
David : A Paris, je circule tout le temps à vélo alors que dans les autres villes, je marche. J’ai commencé par un vélo classique puis j’ai changé pour un vélo électrique pendant 6/9 mois. Je suis finalement revenu au vélo classique « pour la dose d’effort » en plus qu’il nécessite.
Eric : Hélas, je ne marche pas autant que j’aimerais ! Je vis à la campagne et le premier trottoir est à 1,5 km de chez moi. La route est étroite avec beaucoup de passage ; j’utilise donc ma voiture par obligation.
Mis à part cela, je marche autant que je peux car la marche est beaucoup plus rapide que ce que l’on imagine sans compter qu’elle contribue à désaturer les transports en commun. Un mix marche / transports en commun, voilà qui me semble être une bonne solution !
David : C’était contre une voiture qui m’avait refusé la priorité… J’étais très énervé mais je me suis vite rendu compte que l’autre était beaucoup plus massif que moi, j’ai donc poursuivi mon chemin…
Ceci-dit, je dois aussi reconnaître que les rapports sont souvent hostiles entre vélistes.
Eric : Alors moi, je peux vous dire qu’en tant que piéton, je râle souvent contre les vélos, particulièrement lorsqu’ils ne respectent pas les feux.
Je peste également régulièrement sur le fait qu’il n’y ait pas un seul banc sur mon trajet Montparnasse / St Germain des prés… et franchement ce n’est pas un problème de largeur de trottoir pour le coup !
David : on constate une forte augmentation de la pratique urbaine du vélo ce qui tend à faire évoluer l’équilibre des différentes parts modales, ce qui est à mon sens, très bien.
Je trouve d’ailleurs le modèle lyonnais intéressant car le vélo gagne de la part modale sur la voiture, pas sur les transports en commun. C’est tout l’intérêt !
Eric : En effet, certains mouvements amorcés avant la crise se sont amplifiés. Le vélo est devenu une bulle protectrice à l’instar de la voiture au contraire des transports en commun.
La marche a cela de spécifique qu’elle est universelle. Globalement, tout le monde peut marcher et en plus c’est recommandé. Sans oublier, que la marche ne génère aucune peur, contrairement au vélo.
Si, les deux sont dans l’ère du temps et répondent à des considérations écologiques, la marche permet de répondre à une aspiration de plus en plus prégnante : celle de se reconnecter à soi-même, de décélérer, d’aller à son rythme et de se reconnecter à son environnement.
Pour moi, le plus gros enjeu est de faire cohabiter tous les modes. Il ne doit pas y avoir un plan vélo, un plan marche, un plan voiture… mais un plan global. Il faut penser l’ensemble.
David : Et chose importante, il faut penser la mobilité au-delà du cœur des métropoles.